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La relation candidat-recruteur à la lumière de l’analyse transactionnelle


L’autre jour, j’accompagnais un manager qui me partageait être dans un processus de recrutement. Je lui ai suggéré quelques questions à poser au recruteur dans le but d’asseoir un équilibre gagnant-gagnant et un rapport adulte-adulte :

Qu’attendez-vous de moi ?

Que pensez-vous de ma candidature ? de cet entretien ?

Qu’avez-vous retenu de ce que je vous propose ?

C’est surtout sur cette dernière qu’il a été surpris !

« – Mais on a le droit de demander ça ?!! »

Avec toute la bienveillance du monde, j’étais tenté de répondre :

A : Bien sûr que non, mais quelle insolence !!

B : Selon vous est-ce que le recruteur a le droit de poser les mêmes questions ?

C : Bonne nouvelle, nous sommes dans un pays libre :) (ça ira ça ira)

D : La réponse D (trop facile)

Je ne compte plus non plus les fois où j’ai entendu les expressions « convocation à un entretien », avec la connotation impérative qu’il véhicule. (vous convoquez ? moi j’invite…).

Convoquer : Prier quelqu'un, de manière impérative, de venir quelque part, en particulier auprès de soi : La police a convoqué les témoins. Larousse.

Je pourrais citer ce que l’on lit dans les annonces « vous justifiez de x années d’expériences », ou encore cette recruteuse qui a dit à l’un de mes clients « pour ce poste, vous devrez justifiez d’expériences probantes ». Et le recruteur, lui, doit-il se justifier ?

Justifier : Défendre, disculper quelqu'un d'une accusation, le mettre hors de cause. Appuyer la réalité, l'exactitude de quelque chose par des preuves, des documents. Faire admettre quelque chose, en établir le bien-fondé, la nécessité. Faire apparaître quelque chose comme légitime, l'autoriser. Montrer après coup que quelque chose n'était pas faux, mal fondé. Larousse

Avis aux candidats : vous avez à vous justifier lorsque vous avez des comptes à rendre, lorsque vous avez un contrat, or vous n’avez aucun compte à rendre lors d’un entretien (hormis la politesse, la présentation, la ponctualité... le contrat du vivre ensemble en somme). Je fais la différence entre justifier et prouver : la justification appelle le passé, la preuve se sert du passé pour projeter une réussite dans le futur (si ça a marché, cela peut marcher à nouveau chez vous monsieur le recruteur/client). En entretien ou rendez-vous commercial, vous apportez une preuve pour convaincre et faire en sorte que votre interlocuteur achète ; Ne vous justifiez pas ! Prouvez !

En effet, de nombreuses questions posées par les recruteurs témoignent d’une posture de juge/jury qui va émettre un avis favorable ou non à un candidat. Combien de fois j’ai entendu que « l’un jouait le gentil recruteur et l’autre le méchant » ! Tant de questions ou de techniques qui rappellent un interrogatoire policier, comme ce directeur commercial pour qui le recrutement consistait pour lui en « l’art de trouver les failles du candidat » (les candidats étaient ravis !).

Si tant est que le candidat ait postulé – et donc « soumis » sa candidature pour un poste – je me dis que le processus d’évaluation avec le recruteur en position de décisionnaire est peut-être plus légitime, un peu comme lorsque l’on répond à un appel d’offre et que l’on attend le verdict (c’est le jeu). Mais quand bien même… il s’agit là de la rencontre entre deux professionnels.

Dans l’exemple de mon client, c’est le recruteur qui est venu le chercher pour une potentielle opportunité. Les deux professionnels ont un intérêt commun à se rencontrer et discuter d’une collaboration. Qu’est-ce qui empêche ce manager, après avoir présenté son offre de service, de questionner le recruteur ainsi ?

« Que pensez-vous de ma candidature ? »

« Qu’est-ce qui vous intéresse dans mon offre de service ? »

« Que retenez-vous de ce que je vous ai présenté ? »

A l’inverse, combien de recruteurs se sentent libres de demander au candidat ce qu’il a retenu de l’entretien, ou de rédiger une synthèse du RDV, ou encore une mise en situation avec une demande de livrable…

Qu’on se comprenne, je ne remets pas en cause les bénéfices de ces questionnements ou pratiques dans un processus de recrutement, je demande simplement dans quelle mesure le candidat peut faire de même.

En effet, je rencontre souvent des professionnels en posture de « demandeur » de job et des recruteurs en posture d’ « offreur » de job.

Cette posture, que j’ai pu observer notamment auprès de cadres middle et top management, peut avoir de nombreuses origines :

  • la situation de rupture (licenciement, démission, burn out…) et de changement/deuil qui peut diminuer le niveau d’estime de soi,

  • la représentation de celui qui est en poste comme « celui qui a » et celui qui est en face « celui qui n’a pas » et qui renvoie à un sentiment d’impuissance : « sans travail, on n’est rien ! » (analyse this, Dr Freud !)

  • le fait de voir un entretien comme un exam, avec un jury… qui de toute évidence a droit de vie ou de mort sur l’issue du RDV (stressant ça ?! tu m’étonnes !)

  • la croyance qui veut que c’est le patron qui décide, que c’est l’Entreprise-Providence qui va OFFRIR du travail à son collaborateur et qu’il lui permettre de manger… croyance alimentée par un certain narcissisme chez ce dirigeant qui me rappelait le nombre de personnes employées dans son entreprise qui vivaient grâce à lui (qu’il est gentil ce patron !).

Et si on inversait les rôles, que pensez-vous du recruteur en « demande » de candidats ou compétences et le professionnel en « offre » de services ?

Il m’est déjà arrivé de rencontrer des professionnels se positionnant spontanément dans la posture d’offreur et par systémie positionnant le recruteur en posture de demandeur (si je me souviens bien, un commercial :)).

Le problème c’est qu’à jouer à inverser les rôles on pourrait passer d’un déséquilibre parent-enfant à un autre déséquilibre enfant-parent.

Ainsi, à la lumière des états du moi de l’analyse transactionnelle d’Éric Berne, j’y vois le schéma suivant :

Légende : P : Parent – A : Adulte – E: Enfant

Chacun des états du moi a sa spécificité et son utilité dans nos transactions/relations interpersonnelles ; ceci dit, les échanges de type parent-enfant ou enfant-parent sont-ils les plus opportuns dans un processus de recrutement ?

Un positionnement parent-enfant ou enfant-parent me semble être un déséquilibre qui n’est pas idéal dans le démarrage d’un échange ou d’une collaboration entre un recruteur et un candidat… ou même entre un client et un fournisseur… ou de façon générale, entre deux professionnels explorant la possibilité de travailler ensemble.

En coaching, il m'est arrivé de travailler avec mes clients sur cet équilibre et cette posture : comment établir un échange adulte-adulte entre le recruteur et le candidat ? Et ce, sur tout type de communication : écrite, orale, verbale, non verbale, directe, indirecte…

Nous sommes là en présence de la loi de l’offre et de la demande ou chacune des parties a en lui une offre (ex : une offre d’emploi d’un côté, une offre de service de l’autre) et une demande (ex : une demande de candidat/compétences d’un côté, une demande d’opportunité professionnelle de l’autre).

Prendre conscience de sa propre dimension à la fois d’offre et de demande permet d’équilibrer l’échange et ainsi d’arriver à la transaction suivante :

Dans cette situation, ni le recruteur, ni le candidat n’est en position de force ou de faiblesse !

- Ah bah si, quand même, c’est lui qui décide ! (in ze boss we trust !)

Et vous, ne décidez-vous pas de travailler avec lui ?

Je pense à ce manager qui a été chassé et à qui il lui a été répondu : « nous n’avons pas retenu votre candidature » et qui a ressenti ce refus comme une « claque ». Dans cet exemple, c’est l’enfant qui a été blessé : comme si le refus était une décision du parent censeur/normatif, qui tranche. C’est donc mettre ce dernier en position de force. #déséquilibre

Avis aux recruteurs : que diriez-vous si votre candidat vous coupait l’herbe sous le pied en vous disant : « j’ai décidé de ne pas retenir votre proposition de collaboration » ? Le résultat dans ce cas-là non plus ne semble pas très agréable (non mais oh, manquerait plus qu’il morde !).

Et pourtant un entretien qui ne débouche pas sur une embauche peut avoir une issue favorable (et on adore !). Deux professionnels peuvent se séparer avec une issue très positive : « nous avons passé un bon moment ensemble et nous ne travaillerons pas ensemble dans le cadre de cette opportunité… restons en contact ! » (vous voyez où je veux en venir ?)

En effet, quoi de mieux que de partir sur une bonne note ? Et pas celle du « oui c’est vrai le recruteur est sympa, son retour est bienveillant mais ça reste un retour négatif ».

Partir sur une bonne note, c’est partir sur une mise en perspective ! Qu’est-ce qu’on se dit ? Quel rapport souhaitons-nous entretenir à l’avenir ? Quand est-ce qu’on se boit une bière ? (sait-on jamais…)

Par exemple, le résultat d’une posture adulte-adulte suite à un entretien qui n’aboutit pas sur une embauche :

« Nous décidons ensemble de ne pas collaborer (étant donné les intérêts divergent sur certains points), et nous gardons mutuellement un bon souvenir de cet échange »

Ce que cette posture permet :

  • Une perspective de collaboration saine et ouverte vers d’autres horizons : « nous pourrons collaborer ensemble pour une opportunité présente ou future, ou une recommandation auprès de nos réseaux mutuels »

  • De faire le plein d’énergie (ce n’est plus une claque, mais un serrage de paluches bienveillant et constructif ; qui sait ? vous pouvez vous faire un copain ! :))

  • Cela permet également de faire le point sur soi et sa capacité de résilience (je me focalise sur le positif de cette rencontre et non sur un retour négatif stérile)

  • Cela permet également au candidat de ne pas s’accrocher à un poste dont on a reçu un retour négatif (et qui finalement ne correspond pas à son propre objectif) et de concentrer son énergie dans la prochaine étape vers son objectif : prochain entretien, prochaine opportunité, prochain moment de vie, partir en weekend reboosté ! Merci msieur l’recruteur pour ce retour, restons en contact !!).

Lors d’un entretien de recrutement ou d’un RDV commercial, j’ai observé à de nombreuses reprises le candidat/fournisseur chercher à répondre absolument à la demande du recruteur/client :

« Vous avez telle compétence ? »

Suite à cette réponse, il se peut que l’enfant adapté soumis réponde au parent normatif ;

« Oui tout à fait, je peux le faire. Mettez moi à l’essai ! (je ferai tout ce que vous me demandez) »

Il se peut également que ce soit l’enfant adapté rebelle qui réponde :

« Vous demandez vraiment le mouton à 5 pattes ! »

Le recruteur/client peut même adopter la posture parent nourricier :

« Rassurez-vous si vous n’avez pas toutes les compétences, nous proposons des formations, vous serez bien accompagné, on ne vous lâchera pas comme ça dans la nature » ;

Questions aux managers : partant du postulat que le management commence dès le recrutement, pensez-vous qu’une posture de parent nourricier, bien que de bonne volonté, soit la posture idéale dans une relation professionnelle ? En effet, en se positionnant en tant que parent nourricier, il est bien possible que l’enfant réponde, instaurant ainsi une relation de dépendance ou même un « jeu psychologique ».

Alors, quels bénéfices auriez-vous à communiquer en adulte face à ce collaborateur ?

En relation adulte-adulte, on pourrait imaginer un échange de ce type :

(Le candidat) – « Je vous apporte ce champ d’expertise ci ; et au sujet de telle compétence que vous demandez, c’est la raison pour laquelle je souhaite travailler avec vous ! Je compte bien la développer avec vous ! »

(Le recruteur) – « Je vous apporte la possibilité d’apprendre et développer telle compétence, vous m’apportez votre expertise pour répondre à mon besoin, nous avons donc bien un intérêt à collaborer ensemble (maintenant ou demain) »

Ainsi, les deux parties s’y retrouvent un équilibre gagnant-gagnant (finalement c’est peut-être tout simplement ça le business !).

Établir une relation adulte-adulte, c’est être à sa place en tant que professionnel. C’est OK de rencontrer d’autres professionnels et de travailler avec certains et pas avec d’autres. Je suis OK, l’autre est OK. Tenir sa posture d’adulte, c’est accueillir l’autre en tant qu’adulte, puis décider de choisir (oui, oui, vous avez le choix !) si vous souhaitez travailler avec lui.

En somme, c’est s’affranchir de barrières et croyances qui sont désormais inutiles et s’ouvrir la voie de la liberté dans une relation business gagnante (t’es un gagnant Serge !).

Et puis ça permet de respirer un coup, non ?!


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